Ancien ID : 975
La jurisprudence accroît le contrôle du juge de l’excès de pouvoir sur la légalité des décisions de préemption.Dans une décision en date du 6 juin 2012, le Conseil d‘État énonce le nouveau considérant de principe suivant :
« Considérant qu’aux termes de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme : » Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu’en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;
Considérant qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir de vérifier si le projet d’action ou d’opération envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à justifier légalement l’exercice de ce droit ; que, par suite, en se bornant à estimer que la décision de préempter la superficie totale du tènement n’était pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, la cour a commis une erreur de droit ; que dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ; »
L’on constate à la lecture de cet arrêt :
– d’une part, que le juge doit désormais contrôler l’existence d’un intérêt général suffisant, en plus du contrôle, qui existait déjà antérieurement, de la réalité d’un projet d’aménagement (CE, 7 mars 2008, Commune de Meung-sur-Loire, n° 288371). Cet intérêt général s’apprécie notamment au regard des caractéristiques du bien préempté (par exemple ses dimensions) ou au coût prévisible du projet d’aménagement;
– d’autre part, qu’il s’agit là d’un contrôle normal, qui n’est pas limité à l’erreur manifeste d’appréciation.
L’appréciation de l’intérêt général de la préemption devrait donner lieu des débats intéressants devant les juridictions du fond que nous ne manquerons pas de suivre de près.
Source :
CE, 6 juin 2012, Société RD Machines Outils, n° 342328
A comparer :
CE, 7 mars 2008, Commune de Meung-sur-Loire, n° 288371
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