Le présent arrêt aborde deux questions différentes sur le régime de l’action fondée sur la théorie des troubles anormaux de voisinage :
Premier intérêt (premier moyen du pourvoi principal et moyen unique du pourvoi provoqué): le fondement de l’action de l’assureur du maître de l’ouvrage subrogé dans les droits du tiers voisin victime qu’il a désintéressé
L’assureur du promoteur immobilier maître de l’ouvrage qui a indemnisé le tiers victime d’un trouble anormal de voisinage est bien fondé à solliciter la condamnation des locateurs d’ouvrage sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage.
La Cour de cassation retient que « du fait de la subrogation dont elle était bénéficiaire dans les droits de ces victimes, cette société était fondée à obtenir la garantie totale des locateurs d’ouvrage auteurs des troubles, dont la responsabilité n’exigeait pas la caractérisation d’une faute« .
Cette solution écarte l’argument du pourvoi qui avançait que c’est au promoteur, maître de l’ouvrage de l’opération immobilière, d’assumer seul la charge du risque, inhérent à la réalisation de tout chantier, de causer des dommages aux avoisinants.
Elle reprend ce faisant celle énoncée par la Cour de cassation dans l’arrêt George V premier du nom du 22 juin 2005 (Cass. 3ème civ., 22 juin 2005, n° 03-20068, Bull. n° 136 ; RGDA 2005, p. 968, note J.-P. Karila).
Second intérêt (second moyen du pourvoi principal): répartition de la charge définitive de la dette entre coresponsables condamnés au titre de la théorie des troubles anormaux de voisinage
Le second intérêt a trait à la question des recours entre coresponsables condamnés in solidum à garantir l’assureur du maître de l’ouvrage subrogé dans les droits du tiers voisin victime.
La Cour de cassation retient que « dans l’exercice du recours du maître de l’ouvrage ou de son assureur au titre d’un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, la contribution à la dette, en l’absence de faute, se répartit à parts égales entre les co-obligés« .
Cette solution complète le régime juridique ébauché par l’arrêt George V second du nom du 26 avril 2006 (Cass. 3ème civ. 26 avril 2006, n° 05-10100, Bull. n° 100 ; D. 2006, p. 2504, note J.-P. Karila) qui a affirmé que « dans les rapports entre le locateur d’ouvrage auteur du trouble anormal causé aux voisins et les autres professionnels dont la responsabilité peut être recherchée, la charge finale de la condamnation, formant contribution à la dette, se répartit en fonction de la gravité de leurs fautes respectives« .
Source : Cass. 3ème civ., 20 décembre 2006, n° 05-10855, Bull. n° 254