Voici un arrêt un peu décevant car bien qu’il ait le mérite de statuer sur la question peu fréquemment soumise à la Cour de cassation de savoir ce qu’est un élément d’équipement à vocation exclusivement professionnelle au sens de l’article 1792-7 du Code civil, le raisonnement suivi par la Cour de cassation pour écarter l’application dudit article parait ajouter à la loi puisqu’elle motive sa décision :
- par le critère de « l’attachement » à l’ouvrage (« attachée au gros œuvre »), critère étranger audit article qui ne distingue pas les éléments dissociables et indissociables d’une part
- et par le critère du « fonctionnement » de l’ouvrage (« que le variateur était unélément d’une installation destinée à l’évacuation des gaz, des fumées et des
poussières de la fonderie ») alors que cette notion de fonctionnement de l’ouvrage est indifférente à la qualification ou non d’élément professionnel mais est seulement corrélée à la définition d’un élément d’équipement…
Extrait :
« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 11 juin 2012), qu’en juillet 2004, la société Loiret affinage, qui exploite une fonderie d’aluminium, a confié la réalisation d’une installation électrique avec fourniture et pose d’un variateur destiné à moduler l’activité d’un appareillage d’extraction et de filtration des poussières, à la société Vifrelec, assurée par la caisse mutuelle d’assurances et de prévoyance Areas, aux droits de laquelle vient la société Areas dommages ; que la société Vifrelec a sous-traité le câblage de l’armoire électrique à la société Rexel qui a acheté le variateur à la société Schneider electric France, laquelle a effectué la mise en service ; que se plaignant de plusieurs pannes du variateur entre le 13 octobre 2004 et le 17 janvier 2006, la société Loiret affinage, après expertise, a assigné les sociétés Vifrelec, Areas, Schneider electric France et Rexel France en indemnisation et la société Vifrelec a demandé à titre reconventionnel le paiement de factures ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Areas dommages fait grief à l’arrêt de juger que les désordres ayant affecté le variateur installé dans les locaux de l’usine de la société Loiret affinage relevaient de la garantie décennale et de condamner la société Areas, in solidum avec la société Vifrelec, à payer à la société Loiret affinage, avec intérêts légaux capitalisés, les sommes de 38 434,08 euros au titre du préjudice matériel et de 203 000 euros au titre de la perte d’exploitation, alors, selon le moyen :
1°/ qu’une réception tacite ne peut résulter que d’une volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter les travaux ; qu’en se bornant néanmoins à relever, pour retenir l’application de la police de responsabilité décennale souscrite par la société Vifrelec auprès de la société Areas, que la société Loiret affinage avait à l’évidence accepté les prestations réalisées par la société Vifrelec et que sa prise de possession sans réserves de l’ouvrage matérialisait une réception tacite, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter les travaux, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792-6 du code civil ;
2°/ que les équipements spécifiques à l’activité professionnelle exercée dans l’ouvrage ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu’en affirmant néanmoins, pour retenir le caractère décennal des désordres ayant affecté le variateur installé dans l’usine de la société Loiret affinage, que ce variateur faisait partie d’un ouvrage constitué par un système de captation des fumées attaché au gros oeuvre et que sa fonction exclusive n’était pas de permettre le processus industriel, bien que l’unité de traitement des fumées, dont l’installation était directement liée à l’activité industrielle exercée dans l’usine, n’ait pas relevé des travaux de construction faisant l’objet de la garantie légale, la cour d’appel a violé l’article 1792 du code civil ;
Mais attendu, d’une part, qu’ayant relevé que le variateur était un élément d’une installation destinée à l’évacuation des gaz, des fumées et des poussières de la fonderie attachée au gros œuvre, participant au fonctionnement de l’ouvrage, la cour d’appel a pu en déduire que les dysfonctionnements de cet équipement avaient rendu l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. »
Source : Cass. 3e civ., 7 mai 2014, 12-23933