Ancien ID : 503
Réforme de la prescription civile en matière de constructionAprès une longue genèse, la loi réformant la prescription en matière civile a été publiée au journal officiel du 18 juin 2008 sous le n° 2008-561 (Références en fin d’article).
S’agissant de la prescription en matière de construction, le texte opère deux modifications l’une formelle, l’autre de fond.
Modification formelle : modification de la numérotation applicable
La première réforme opérée a trait à la numérotation des articles relatifs à la prescription en matière de construction.
Les modifications sont ainsi opérées :
– l’article 2270 du Code civil, lequel réglementait la durée de la prescription décennale et biennale, figurera désormais, sans modification à l’article 1792-4-1 du Code civil ;
Lien vers l’article 2270 ancien
Lien vers l’article 1792-4-1 nouveau
– le nouvel article 2270-2 du Code civil, qui réglemente, depuis l’Ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, la prescription des actions contre les sous-traitants pour les désordres de la nature de ceux engageant la responsabilité décennale des constructeurs ou la garantie biennale de bon fonctionnement, figurera désormais, sans modification, à l’article 1792-4-2 du Code civil.
Lien vers l’article 2270-2 ancien
Lien vers l’article 1792-4-2 nouveau
Modification de fond : l’unification des délais de prescription de toutes les actions contre les constructeurs et les sous-traitants
Le point fondamental de la réforme opéré par la loi précitée concernant la construction concerne l’insertion d’un nouvel article 1792-4-3 dans le Code civil ainsi rédigé:
« En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.«
Lien vers l’article 1792-4-3 nouveau
Ce nouvel article a une vocation subsidiaire. Il n’a vocation à s’appliquer que toutes les fois :
– que l’article 1792-4-1, ancien article 2270, n’est pas applicable, c’est-à-dire toutes les fois que la responsabilité engagée n’est pas la responsabilité décennale des constructeurs, ni la garantie biennale de bon fonctionnement ;
– que l’article 1792-4-2, ancien article 2270-2, n’est pas applicable, c’est-à-dire toutes les fois que la responsabilité engagée contre le sous-traitants (délictuelle ou contractuelle) concerne des désordres de nature décennale ou devant donner lieu, à l’égard des constructeurs, à la mise en oeuvre de la garantie de bon fonctionnement.
Dans cette hypothèse, les actions engagées contre :
– un constructeur (au sens des articles 1792-1) ;
– ou contre un sous-traitant de ces constructeurs ;
se prescrivent par 10 ans à compter de la réception des travaux (au sens de l’article 1792-6 du Code civil).
Ce texte a donc vocation :
– à donner une base légale à l’ensemble jurisprudentiel anciennement connu sous le nom de désordres intermédiaires (responsabilité contractuelle du constructeur mise en oeuvre postérieurement à la réception pour des désordres à l’ouvrage et qui ne relèvent ni de la responsabilité décennale, ni de la garantie biennale de bon fonctionnement) ;
– à définir la règle de prescription comblant la lacune de l’ancien article 2270-2 du Code civil qui ne prévoyait de prescription spéciale contre les sous-traitants des constructeurs d’ouvrages immobilier que pour les désordres devant donner lieu, à l’égard des constructeurs, à la mise en oeuvre de la responsabilité décennale ou à la garantie biennale de bon fonctionnement.
Le principe de subsidiarité ne devrait cependant pas conduire à admettre que une application de la règle aux hypothèses de mise en oeuvre de la responsabilité des constructeurs ou sous-traitants pour les désordres affectant l’ouvrage avant réception.
On comprendrait mal comment une prescription de dix ans à compter de la réception pourrait s’appliquer dans l’hypothèse où aucune réception ne serait par hypothèse intervenue.
Il en résulte donc en synthèse que toutes les actions en responsabilités intentées contre un constructeur ou un sous-traitant de constructeur immobilier pour la réparation de désordres matériels affectant l’ouvrage après réception sont soumises à une prescription décennale (ou biennale) à compter de la réception de l’ouvrage immobilier.
Entrée en vigueur de la réforme
L’article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 envisage trois règles d’entrée en vigueur distinctes :
– première règle (applicable lorsqu’une instance a été introduite avant le 19 juin 2008) :
« l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation«
– deuxième règle (applicable lorsqu’aucune instance n’a été introduite avant le 19 juin 2008 et dans l’hypothèse où l’application de la loi nouvelle conduit à un allongement de la prescription) :
la loi nouvelle s’applique « lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.«
– troisième règle (applicable lorsqu’aucune instance n’a été introduite avant le 19 juin 2008 et dans l’hypothèse où l’application de la loi nouvelle conduit à une réduction de la prescription) :
la loi nouvelle s’applique « aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure«
Nous reviendrons bien évidemment dans le futur sur les conséquences et la portée pratique de cette évolution législative validant et complétant l’oeuvre prétorienne existante.
Source :
Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile
NOR: JUSX0711031L
JORF n°0141 du 18 juin 2008 page 9856
© Karila – Cyrille Charbonneau