Ancien ID : 504
Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 – réforme de la prescription extinctive (première partie)La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a apporté des modifications en matière de prescription des actions en responsabilité contre les constructeurs et sous-traitants des constructeurs d’ouvrage immobiliers, modifications que nous avons présentées à l’occasion de la flash n° 34.
Pour compléter les observations que nous formulions à cette occasion à propos notamment de l’article 1792-4-3 du Code civil ayant codifié la construction prétorienne relative au délai décennal d’action pour les actions en réparation des désordres survenus postérieurement à la réception et affectant physiquement l’immeuble et ne relevant ni de la responsabilité décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, il sera ici observé que ce nouvel article vise « les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 ainsi que leurs sous-traitants« .
Si le renvoi à l’article 1792 du Code civil semble fondamentalement inutile puisqu’aussi bien ce texte, qui détermine les conditions de la responsabilité décennale, ne définit pas la notion de constructeur, le renvoi au seul article 1792-1 du Code civil laisse au surplus de côté ceux qui sont soumis à la responsabilité décennale par le biais d’autres textes.
Tel est notamment le cas :
– du promoteur immobilier soumis à la responsabilité décennale par le biais de l’article 1831-1 du Code civil ;
– du vendeur d’immeuble à construire qui est encore soumis à cette responsabilité par l’article 1641-1 du Code civil ;
– enfin du constructeur de maisons individuelles avec fourniture de plans tenu quant à lui par l’article L. 231-1 du CCH.
La rédaction actuelle de l’article 1792-4-3 du Code civil adoptée par le législateur tend littéralement à exclure ces constructeurs assimilés du champ d’application de la prescription décennale à compter de la réception.
Nous pensons cependant que la ratio legis n’était pas de soumettre ces catégories de constructeurs assimilés à une règle de prescription distincte (les débats en deuxième lecture au Sénat sont sur ce point tout à fait clairs) et pensons par conséquent que la jurisprudence devrait en principe, maintenir à leur égard, soit sur le fondement de l’article 1792-4-3 soit sur la base des solutions antérieurement adoptées par la Cour de cassation, le principe de la prescription décennale à compter de la réception.
D’autres questions ne manqueront pas de se poser concernant cette réforme et notamment le fait de savoir si la nouvelle prescription de dix ans à compter de la réception résultant de l’article 1792-4-3 du Code civil concerne les seules actions en réparation des désordres matériels affectant l’ouvrage ou encore si l’absence de modification de l’article 1792-5 du Code civil a une conséquence sur la nature d’ordre public des règles édictées par les articles 1792-4-1 à 3 du Code civil.
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Au-delà des questions relatives à ces prescriptions, la loi a pour finalité beaucoup plus générale de modifier les dispositions du Code civil relatives à la prescription, spécialement à la prescription acquisitive.
Cette loi apporte ainsi des modifications importantes quant à la durée des prescriptions extinctives, aux modalités de computation des délais et quant au rôle de la volonté sur le cours des délais de prescription.
Ces différents thèmes seront abordés à l’occasion de deux parties, la première étant ici consacrée à la modification de la durée des prescriptions extinctives et à l’instauration de règles subsidiaires de droit commun d’entrée en vigueur des règles ayant vocation à modifier la durée d’une prescription extinctive.
1.La modification de la durée des prescriptions extinctives
Pour s’en tenir à l’essentiel de la réforme sur cette question, trois points doivent être précisés.
? La modification du délai de droit commun (C. civ., art. 2224) :
L’article 2262 du Code civil qui régissait auparavant la prescription de droit commun est désormais abrogé et remplacé par un nouvel article 2224 du Code civil :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.»
Il découle de cette disposition :
– le passage d’une prescription de trente ans à une prescription de cinq ans ;
– la définition légale du point de départ de cette prescription savoir le jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
? Les nouveaux délais de prescription particuliers intéressant notre matière :
La loi précitée modifie de nombreux délais de prescription spécifiques.
S’agissant de notre matière, trois modifications méritent d’être signalées.
Première modification – L’article L. 110-4 du Code de commerce régissant les actions intentées contre un commerçant sont désormais soumises à une prescription de cinq ans, et non plus de 10 ans.
Seconde modification – La responsabilité de l’expert judiciaire, anciennement soumises à la prescription de l’article 6-3 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 (soit dix ans à compter de la fin de sa mission) est désormais régie par les règles de prescription de droit commun de l’article 2224 du Code civil.
Troisième modification – La loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 est désormais complétée par un nouvel article 3-1 en vertu duquel les actions tendant à l’exécution :
– des décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif ainsi que les transactions soumises au président du tribunal de grande instance lorsqu’elles ont force exécutoire
– des actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution
– des extraits de procès-verbaux de conciliation signés du juge et des parties
sont en principe soumises à une prescription de 10 ans.
? La création d’un plafonnement du délai de prescription (C. civ., art. 2232) :
La loi du 17 juin 2008 innove sensiblement en insérant dans le Code civil un article 2232 nouveau dont le premier alinéa dispose que :
« Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
Ce principe particulièrement innovant est cependant atténué par les exceptions figurant à l’alinéa 2 du texte.
Le législateur écarte en effet ce principe :
– à propos de certains prescriptions : les actions en responsabilité ayant pour finalité la réparation d’un préjudice corporel (C. civ., art. 2226) et les actions immobilières (C. civ., art. 2227) ;
– pour quatre causes de report du cours du délai de prescription : le caractère conditionnel de l’obligation, l’existence d’un recours pour les appels en garantie, la survenance du terme extinctif (C. civ., art. 2233) et les actions entre époux ou partenaires liés par un PACS (C. civ., art. 2236) ;
– et pour deux causes d’interruption du délai de prescription : l’interruption consécutive à une action en justice (C. civ., art. 2241) ou à un acte d’exécution forcée (C. civ., art. 2244).
Ces exceptions sont encore complétées par deux textes spéciaux en écartant l’application à propos des actions :
– en responsabilité contre les professionnels de santé du secteur public comme du secteur privé (C. santé, art. L. 1142-28 mod.) ;
– en exécution de certains titres exécutoires (L. n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 3-1 nouveau).
2. L’affirmation de règles subsidiaires relatives à l’entrée en vigueur des lois modifiant des délais de prescriptions
La loi du 17 juin 2008 insère encore dans le Code civil une nouvelle disposition tendant à fixer légalement des règles quant à l’entrée en vigueur de lois opérant modification de délais de prescription extinctif.
L’article 2222 nouveau du Code civil énonce deux types de règles selon que la loi nouvelle conduise à réduire ou allonger le délai antérieurement applicable.
Lorsque la loi allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion, il est prévu que :
« La loi qui allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s’applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. »
Lorsque la loi réduit la durée de la prescription ou du délai de forclusion, il est prévu que :
« En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
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Nous reviendrons à l’occasion d’une prochaine flash info sur les modifications apportées par la loi du 17 juin 2008 aux règles relatives au cours du délai, spécialement aux causes d’interruption ou de suspension du délai de prescription et/ou de forclusion et au report du point de départ de la prescription.
Source : Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008
© Karila – Cyrille Charbonneau et Laurent Karila